CHOPIN OU L'ART DU PIANO MODERNE

Chez Chopin, le mot virtuosité doit être relié à la flamboyance des traits musicaux et dans la façon qu'il a eu de se saisir de la tessiture de l'instrument. Qu'il ait écrit des "Études pour piano" ne doit surprendre personne, puisque cela va dans le sens d'une pratique technique poussée et désirée par un pianiste également enseignant.

Il fallait bien un jour que j'évoque Chopin, puisque le piano est le premier instrument que j'aie découvert et pratiqué. L'instrument rime avec le compositeur et nombreux sont ceux qui redoutent ses pièces musicales à juste titre. Pourquoi ? Parce que le musicien est associé à la virtuosité, et qu'auparavant, le regard porté sur l'instrument était différent. Maintenant, si vous imaginez que les pièces pianistiques d'avant Chopin étaient vides de sens et de difficultés, alors éviter Bach de préférence !

CHOPIN ET LISZT

Chopin et Liszt, même combat ! Chopin, contrairement à Liszt, emporte souvent l'adhésion auprès du public. Son sens poussé de la mélodie doit y être pour quelque chose ! Toutefois, les associer à la même école pianistique, c'est avoir le sens du raccourci quand on entre dans les détails. Certes, de leurs temps, les deux musiciens étaient sans aucun doutes les meilleurs représentants du récital de piano. Leurs mains, armées d'une brillante technique, avaient dû surprendre leurs contemporains. Du moins, je l'imagine.

Alors que Liszt aimait se produire en public, Chopin observait une certaine distance. Au dire de certains musicologues, il n'appréciait guère l'exercice. Pour autant, était-il un sédentaire ? Entre son amour pour Paris et des tournées usantes pour sa santé, le choix de rester dans sa ville d'adoption l'a généralement emporté.

L'autre idée courue est d'avoir modernisé l'image du piano. Je dirais plutôt qu'il a su, avec Liszt, favoriser l'ambiance des concerts privés. Présentement, on conçoit parfaitement cela en écoutant sa musique. Dans l'intention de présenter ses nouvelles œuvres, c'était le terrain de jeu idéal. En comité restreint, il se préservait du trac qui le tétanisait dès qu'il devait se produire, et le fait d'apercevoir des visages connus, devait le rassurer. Les "concerts/démonstrations" lui permettaient aussi de recruter des élèves, financièrement aisés, pour subvenir à ses besoins quotidiens.

CHOPIN AUJOURD'HUI

Que l'on aime ou pas Chopin, il est certain que ses pièces pour piano, sa sensibilité artistique, se retrouvent exprimées de bien des façons dans la chanson, le jazz, voire la musique rock. Que des musiciens s'inspirent de l'atmosphère de ses œuvres pour composer des mélodies ou pour se lancer dans des improvisations, c'est le cas. Toutefois, la plupart des pianistes abordent l'univers du compositeur parce qu'il a su imposer à l'instrument une autre définition de la virtuosité alliée à un sens élevé de la perfection.

« Vous jouez du Chopin ? Vous devez être un bon pianiste ! » Je l'entends encore cette phrase dans ma tête. Dans la plupart des cas, il est plus juste d'y prétendre que de l'assurer !

Dans la carrière artistique du compositeur polonais, le piano sera au centre de ses préoccupations, puisque presque toute son œuvre lui est consacrée. L'énergie est centralisée sur l'instrument, sans échappatoire ou si peu, avec un tempérament par instant explosif qui laisse à penser qu'il devait exister une part non négligeable d'improvisation dans ses prestations.

Dois-je dire également que par la suite, les futurs pianistes ont, quelque part, soldé l'addition ? Certainement ! Difficile, en effet, après la période du "Romantisme", de revenir en arrière, à plus de sagesse et de modestie sonore. Debussy, le premier, reprendra les rênes, mais brisera les effets techniques avec de la retenue, en approfondissant la couleur au détriment de la pure démonstration (même si elle existe occasionnellement dans certains passages).

Élian Jougla (01/2023)